Un tunnel ferroviaire sous le Montgenèvre : une nécessité

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Les enjeux du développement durable ne sont plus à mettre en exergue dans la région PACA, où la concentration de la population sur le littoral et les atteintes à la biodiversité de la faune et la flore, la dégradation des milieux dues à la pollution et à l’artificialisation croissante des terres, la pression sur les ressources naturelles sont vécues chaque jour avec une réalité de plus en plus pesante.

En outre, le développement urbain a considérablement accentué les problèmes liés à la consommation énergétique, à l’alimentation en eau et à la gestion des déchets, des urgences à ranger à coté de l’émission croissante des polluants atmosphériques (PACA fait partie des régions qui en émettent le plus) en particulier autour des métropoles. Sur l’ensemble de la région, de nombreux enjeux sont donc préoccupants à court et à moyen terme :

  • La forte croissance démographique et la pression anthropique sur les milieux qui en résultera,
  • La difficile maîtrise du phénomène de métropolisation, l’urbanisation extensive qui en découle sur les espaces naturels,
  • Le développement des réseaux routiers de communication qui entraîne une forte périurbanisation et l’accentuation des concentrations des industries traditionnelles et logistiques et donc la pression sur les milieux,
  • La pression touristique et de loisirs sur des espaces littoraux déjà fortement congestionnés

Les franchissements dans les Alpes du Sud :

MontgenèvreLe dynamisme des économies de la péninsule ibérique et plus particulièrement la croissance soutenue des échanges entre l’Espagne et l’Italie voire l’Europe de l’Est a eu une incidence sur le trafic de marchandises ces quinze dernières années.

Cette importante croissance de trafic est semble-t-il la conséquence de plusieurs facteurs :

  • Tout d’abord, la forte croissance des échanges en provenance et à destination de la péninsule ibérique,
  • L’augmentation des poids lourds en provenance d’Europe de l’Est qui privilégient clairement cet itinéraire au détriment des passages nord-alpins.
  • Enfin, cette croissance est aussi la conséquence d’une disposition réglementaire française qui, à compter du 11 août 2003, fermait le Col du Montgenèvre aux poids lourds de plus de 26 tonnes pour des raisons de sécurité mais aussi de préservation du patrimoine naturel et touristique de la Vallée.

Cette fermeture a entraîné un report des flux sur le passage de Vintimille, des flux en provenance des régions PACA et Languedoc Roussillon mais aussi en provenance de la péninsule ibérique.

Ces transferts de flux en direction des Alpes du Sud ne se sont pas faits sans occasionner de nouveaux problèmes, en particulier de saturation au passage de Vintimille, qui a vu son trafic routier doubler en dix ans alors que son trafic ferroviaire lui diminuait.

Les évolutions des flux Est/Ouest en Europe se caractérisent donc par une forte croissance des échanges avec un passage quasi obligatoire dans la région PACA, qui malgré ses carences en termes d’infrastructures à même de canaliser ce surcroit de trafic, ne figure toujours pas aujourd’hui dans les axes prioritaires du réseau transeuropéen de transport.

Il apparaît dès lors urgent, pour pallier la saturation du passage de Vintimille dans une optique de développement durable, de proposer aux transporteurs des possibilités de transfert modal, alternatives au tout routier actuellement en vigueur dans les Alpes du Sud.

Le développement des infrastructures ferroviaires en PACA ayant en outre l’avantage de participer au désenclavement de la région en dehors de ses territoires situés sur le littoral, conformément aux objectifs énoncés dans l’article 2 des Orientations du RTE-T qui préconise une couverture de « l’ensemble du territoire des Etats membres de la Communauté, de manière à faciliter l’accès en général, à raccorder les régions insulaires ou périphériques et les régions enclavées aux régions centrales ».

La nécessité d’une percée ferroviaire sous le Montgenèvre :

La région PACA se trouve aujourd’hui à l’écart des principaux réseaux de transport transeuropéens tant au niveau ferroviaire que routier.

Aussi, il apparaît nécessaire et même fondamental de procéder à un bouleversement en termes de transport et d’aménagement du territoire afin de sortir la troisième région économique de France de son enclavement.

Toutefois, il nous faut prioritairement prendre en compte un nouvel impératif dans les futurs projets de transfert modal, eut égard à l’exceptionnel patrimoine naturel dont dispose la région PACA.

Il s’agit d’envisager de nouvelles possibilités de transport, respectueuses des ressources naturelles régionales et plus précisément respectueuses des zones montagneuses très sensibles au

réchauffement climatique induit, entre autres, par la multiplication des poids lourds transportant des marchandises à travers les Alpes.

Les solutions à même de désenclaver la région PACA et plus particulièrement le département des Hautes-Alpes tout en protégeant le patrimoine, conformément aux engagements du Grenelle de l’Environnement qui actait le principe d’une priorité donnée au rail dans la construction de nouvelles infrastructures, existent et semblent faire consensus de façon globale depuis de nombreuses années.

Il s’agit en effet de travailler à un développement conséquent à moyen terme du fret ferroviaire ou du ferroutage (appelé aussi autoroute ferroviaire) entre la France et l’Italie afin de faciliter le transit à travers la France.

Il y a aujourd’hui une adhésion théorique au développement des infrastructures ferroviaires en France et en Europe afin d’assurer de façon croissante le transport de voyageurs mais aussi de marchandises, en attestent les objectifs et priorités fixés par les Orientations du   RTE-T mais aussi à l’échelle nationale, le Chapitre 3 intitulé Transports, du Projet de loi de programme relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement.

Théorique car dans la pratique, on constate encore qu’actuellement, le trafic routier croit de façon beaucoup plus rapide que le trafic ferroviaire en France, ce dernier a même tendance à diminuer sur certains points du territoire à la différence de la Suisse par exemple qui mène une politique volontariste pour développer le fer.

Le constat en termes de transport de marchandises en France apparaît donc sous un angle double : celui du recul constant du recours au ferroviaire et celui de la dégradation de notre patrimoine naturel du fait de la croissance continue du routier face au ferroviaire.

Il s’agit dès lors que pour les acteurs qui soutiennent ce projet, d’œuvrer à la réalisation rapide d’une solution connue depuis de nombreuses années et qui semble aujourd’hui faire consensus : la construction d’une percée alpine ferroviaire sous le Montgenèvre avec comme gares d’entrée Briançon en France et Oulx en Italie dans une volonté clairement affichée d’infliger le moins de dommages environnementaux aux vallées traversées.

Ce projet, qui s’inscrit clairement dans les objectifs prévus au Grenelle de l’Environnement en ce sens qu’il offrirait des possibilités accrues de fret ferroviaire ou de ferroutage, n’a toujours pas été inscrit à l’agenda des grands travaux d’aménagement initié par l’Etat français. Il répond pourtant à bon nombre d’impératifs actuels, en particulier environnementaux, afin de fluidifier le transport de marchandises à travers les Alpes tout en s’inscrivant dans une logique de développement durable.

Ainsi, les Alpes du Sud, si elles connaissent une croissance de trafic de marchandises ces vingt dernières années, concentrent tout de même un certain nombre de difficultés dues aux carences en termes d’infrastructures sur leur réseau.

En effet, le tout routier semble être devenu la règle dans cette partie des Alpes, ce qui ne sera pas sans poser des problèmes d’ordre écologique à moyen et long terme.

D’autres problèmes apparaissent aussi, saturation du passage de Vintimille et enclavement persistant de certaines zones à l’instar du département des Hautes-Alpes.

Aujourd’hui ce constat peut encore se vérifier et l’enclavement de ce département, pourtant frontalier avec l’un de nos premiers partenaires européens, s’avère dommageable pour son développement.

De nombreuses conventions et décisions ont été actées en ce sens à l’instar de la politique de développement durable du tourisme dans les Hautes-Alpes et dans la vallée de Suse ou encore la Convention Alpine qui stipule : « La Convention sur la protection des Alpes est une convention cadre visant la sauvegarde de l’écosystème naturel ainsi que la promotion du développement durable des Alpes, en protégeant les intérêts économiques et culturels des populations qui y habitent et des Pays adhérents. La Convention est issue de la considération qu’une exploitation croissante de la part de l’homme peut constituer une menace de plus en plus grande pour le territoire alpin et ses fonctions écologiques et que seule l’harmonisation des intérêts économiques avec les exigences écologiques peut éviter ces dégâts. »

Il s’agira dès lors, d’imposer aux décideurs publics, le respect de ces engagements lors de la décision de mise en œuvre de grands projets d’infrastructures dans les Alpes.

Aussi, au regard de facteurs définis ci-dessus, la réalisation d’une percée ferroviaire sous le Montgenèvre apparaît comme un projet nécessaire et respectueux des contraintes qu’impose la réalisation d’une infrastructure de transport en territoire sensible, en permettant :

  • une opportunité de report modal aux transporteurs et permettrait ainsi de désengorger Vintimille,
  • un nouvel itinéraire fiable quelque soit la saison à la différence du transport routier empruntant des cols montagneux,
  • un début de désenclavement pour le département et la région en achevant la liaison Marseille-Turin et en la raccourcissant de plus de 100 km,
  • une grande amélioration pour le transport de voyageurs en créant une correspondance avec les TGV longue distance,
  • une augmentation des échanges régionaux et donc un développement économique de la région,
  • un développement du fret ferroviaire avec un axe capable à terme de drainer une large partie des flux Est/Ouest en provenance de la péninsule ibérique et de l’Europe de l’Est, tout en respectant l’environnement et la Convention Alpine,
  • Une possibilité non négligeable de développement du Port de Marseille.

La réalisation d’un tel projet s’inscrit pleinement dans une logique de développement des Alpes du Sud françaises tout en offrant, dans le cas d’une percée uniquement ferroviaire, des garanties de respect du patrimoine naturel. Il convient dès lors de s’interroger plus concrètement sur les modalités techniques et économiques de mise en œuvre d’un tel projet.

Dans cette optique, la possibilité d’un trajet sous le Montgenèvre pour les marchandises en provenance du Sud de l’Europe accompagnerait la croissance du fret ferroviaire sur le territoire français.

Ce projet visionnaire, audacieux et réaliste est défendu par notre Mouvement depuis de nombreuses années. Nous avons même apporté notre contribution au débat en publiant un livre « L’odyssée du Mont Genèvre : enjeux et perspectives d’une percée ferroviaire » (A disposition pour la somme de 10 €)

Jean Claude CHEINET , Président du MNLE PACA

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