Porté par le Ministre de l’Economie Emmanuel MACRON, le projet de loi pour la croissance de l’activité comportant la libéralisation des autocars a été voté à l’Assemblée Nationale le 17 février 2015. Après passage au Sénat ce projet devrait repasser à l’Assemblée Nationale avant les vacances d’été pour un vote définitif.
Cette volonté de libéraliser l’autocar devrait selon le Ministre, offrir aux voyageurs français une offre de transport complémentaire à celle du train et de la voiture individuelle.
Aujourd’hui au travers de cette loi, c’est un message fort que le Gouvernement fait passer en se désengageant d’un service public qu’est le transport de voyageurs par train assuré au quotidien par la SNCF.
En termes de distance parcourue, la SNCF est le premier opérateur ferroviaire européen avec 86 milliards de voyageurs-Km chaque année. La France occupe une place particulièrement intéressante dans le paysage des mobilités européennes avec une part modale du train pour le transport voyageurs de 9,2 % contre 7 % dans l’ensemble de l’Europe mais surtout avec la plus forte distance parcourue en train par habitant et par an avec 1 410 Km. C’est cette réalité que la libéralisation du transport par autocar risque de remettre en cause. Le rapport de la Cour des Comptes concernant les LGV puis celui de la Commission DURON concernant les trains d’équilibre du territoire sont des exemples flagrants de la nocivité de ce projet de loi. Avant même la signature de la loi certaines sociétés privées proposent déjà des lignes qui doublonneront l’offre publique régionale et interrégionale tout en laissant bien évidemment les lignes d’aménagement du territoire à la charge des Régions.
Même si le Ministre s’en défend en prétendant la création de 10 000 emplois, sans préciser si se sont des emplois précaires ou utilisant des travailleurs détachés, il est démontré que la concurrence déloyale des cars n’est pas synonyme de croissance mais simplement un outil au service d’une loi libérale qui apportera encore davantage d’austérité. En Allemagne où ce système a déjà été mis en place, il est constaté la fermeture de lignes ferroviaires due au fait que les nombreuses compagnies d’autocars ne payant pas l’autoroute proposent des prix nettement inférieurs à ceux des compagnies ferroviaires devant s’acquitter, elles, d’un péage ferroviaire. En France, l’ouverture à la concurrence du fret devait aussi, paraît-il, relancer l’activité en concurrençant la route et le résultat est tout à fait contraire: la part modale de marchandises transportées par le fer est passée de 17 % en 2000 à 9,6 % en 2012. Les nouvelles entreprises ferroviaires concurrentes n’ont pas pris de volume à la route mais essentiellement à l’opérateur public qu’est la SNCF. Monsieur le Ministre oublie également de dire que les abandons de lignes seront naturellement synonymes de pertes d’emplois.
La concurrence du car va aussi intervenir alors que de nombreuses Régions ont investi sur le long terme pour relancer le rail. Des sommes importantes ont été investies pour remettre le réseau en état et renouveler le matériel roulant. L’arrivée des cars venant concurrencer en tout ou partie les TER et les TET, risque de remettre en cause ces efforts engagés sur le long terme. Ce sera non seulement une incitation à stopper la relance du rail mais aussi un gâchis d’argent public considérable.
D’autre part une étude récente a déterminé avec précision le bilan énergétique et écologique des transferts sur route. Selon cette étude le train est plus confortable, plus rapide, plus fiable et moins énergivore que le car. Quand il y a transfert du rail vers la route, il est reconnu que plus de 30 % des usagers passe du train à l’automobile et non à l’autocar.
Le transfert sur route ne sera jamais source d’économie d’énergie, ni de diminution de rejets de CO2 ( 21g CO2/ PKm pour le rail, 75g CO2/ Pkm pour la route), alors pourquoi de telles mesures sont-elles prises dans une période ou tout le monde reconnait que de véritables mesures sont à prendre pour freiner le réchauffement climatique.
Alain PATOUILLARD
EMILE Communication